C’est maintenant clair: Israël a décidé que la troisième guerre du Liban sera aussi la dernière
Israël permettra-t-elle une tolérance partielle ou totale face aux infiltrations ou aux tirs sporadiques de missiles ? Ou réagira-t-elle avec une force écrasante dans différentes régions du Liban pour montrer au Hezbollah qu’Israël n’acceptera pas même des « jeux de feu » dans son arrière-cour.
Lundi, à 16h30, le Hezbollah a pris une initiative. Comme s’il n’y avait pas eu de combats ou de manœuvres au Liban, le Hezbollah est retourné à ses anciennes habitudes. Il a tiré sur une zone ouverte dans le secteur de Har Dov, près du poste « Gladiola », en territoire souverain israélien, depuis la région du village de Chebaa au Liban.
Avant le 8 octobre 2023, le Hezbollah gérait et menait des opérations à la frontière selon ses propres règles. Israël, en position de faiblesse, s’était laissée entraîner par les diktats de l’organisation terroriste. La zone de Har Dov était devenue pour le Hezbollah une « arrière-cour » d’où il pouvait harceler Israël, voire l’humilier, comme lorsqu’il avait installé deux tentes dans le territoire souverain israélien en août 2023.
Israël s’est abstenue pendant des années de réagir avec force face au Liban et au Hezbollah. Le 8 octobre, c’est le Hezbollah qui a ouvert le feu et déclenché la guerre. Même alors, Israël a tenté d’éviter une escalade en menant une campagne de défense offensive de manière ciblée et limitée.
Après environ un an de combats, Israël a lancé une manœuvre au Liban. Les frappes contre le Hezbollah ont été significatives. Israël a accepté un accord de cessez-le-feu de 60 jours. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de cet accord, le Hezbollah et les habitants libanais l’ont mis à l’épreuve.
Ils ont testé la réaction d’Israël en déplaçant des lanceurs, en tentant d’atteindre des villages du sud du Liban, en organisant des mouvements d’hommes armés dans des zones interdites, et en essayant de faire passer des camions de munitions en contrebande. Selon des rapports en Syrie, une tentative, déjouée par l’armée de l’air israélienne, visait à faire atterrir un avion cargo chargé d’armes pour le Hezbollah à l’aéroport de Damas. Jusqu’à hier à 16h30, Israël avait répondu avec fermeté.
Quelques heures avant cela, un avion de l’armée de l’air avait abattu un membre armé du Hezbollah roulant à moto près de Bint Jbeil. Plus tôt encore, un bulldozer travaillant à la frontière entre le Liban et la Syrie, dans le nord du Liban, et cherchant à ouvrir une nouvelle route de contrebande, avait été détruit par l’armée de l’air.
Quelques minutes après l’attaque de l’après-midi, un « combat de déclarations » a éclaté suite à la rupture du cessez-le-feu. La plupart des politiciens ont participé à cette compétition, de Benny Gantz, qui a déclaré : « Moment de vérité – si nous ne répondons pas avec force contre l’État libanais, nous reviendrons à l’ère des règles imposées ».
Mardi, le ministre de la Défense Yisrael Katz s’est rendu le long de la frontière libanaise. Il a tenu un message de fermeté à l’égard du Hezbollah, mais aussi du gouvernement libanais. À la milice chiite, il a rappelé la volonté israélienne de « faire respecter tous les accords de cessez-le-feu » avec « une réponse maximale et une tolérance zéro ». Il s’est aussi montré menaçant à l’égard du gouvernement libanais, lui rappelant son rôle dans l’application du cessez-le-feu.
Accepté fin novembre, le mécanisme prévoit que l’armée libanaise occupe la zone située au sud du fleuve Litani, évacuée en principe par les milices du Hezbollah. Or, a promis le ministre israélien de la Défense, en cas de nouvelle violation de l’accord « il n’y aura plus d’exemption pour l’État du Liban ». La guerre avait été déclenchée le 8 octobre 2023 par le Hezbollah, au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas contre Israël. Depuis, il était admis qu’Israël était en conflit contre la milice chiite soutenue par l’Iran, pas contre le Liban.
Le moment de vérité pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu est arrivé hier à 16h30. C’est lui qui façonnera la frontière entre Israël et le Liban pour les années à venir. Tolérera-t-il totalement ou partiellement les infiltrations ou les tirs sporadiques de missiles ? Ou agira-t-il avec une force écrasante dans diverses régions du Liban pour montrer au Hezbollah qu’Israël n’acceptera même pas des « jeux de feu » dans son arrière-cour ?
Tard hier soir, Israël a choisi une politique stricte d’application, avec des dizaines d’avions de l’armée de l’air menant des vagues de frappes au Liban. Israël semble bien décidé à ce que la troisième guerre du Liban soit appelée la dernière guerre du Liban.
Netanyahou intraitable
En acceptant le cessez-le-feu, le premier ministre Benyamin Netanyahou a indiqué son intention d’être intraitable sur son application. Cet accord est de la même eau que la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Prise en 2006 après le retrait israélien du sud du Liban, elle prévoyait un retrait des troupes du Hezbollah au nord du Litani et des soldats israéliens au sud de la « ligne bleue », qui fait office de frontière.
Les Israéliens savent combien le cessez-le-feu n’a pas été respecté par le Hezbollah, qui a militarisé cette région et d’où, pendant plus d’un an, il a bombardé Israël, forçant le pays à évacuer environ 60.000 habitants vivant le long de la frontière, contraignant les habitants du tiers nord du pays à vivre sous les tirs de roquettes.
Les États-Unis et la France, avec les Casques bleus de la Finul, doivent surveiller le respect du cessez-le-feu. En attendant que le mécanisme soit opérationnel, l’armée israélienne a continué d’opérer au sud du Liban, officiellement à cause d’autres « violations »
L’armée israélienne doit s’être retirée de la région d’ici à la fin janvier. Les États-Unis et la France, avec les Casques bleus de la Finul, doivent surveiller le respect du cessez-le-feu. En attendant que le mécanisme soit opérationnel, l’armée israélienne a continué d’opérer au sud du Liban, officiellement à cause d’autres « violations ».
Ainsi, dimanche dernier, elle a annoncé avoir frappé plusieurs sites dans la plaine de la Bekaa, au nord-est du Liban, et au sud du fleuve Litani « en raison d’activités du Hezbollah menaçant des civils israéliens en violation des accords entre Israël et le Liban ». Mardi, son porte-parole en arabe a rappelé aux Libanais l’interdiction de pénétrer une zone située le long de la frontière israélienne : « Quiconque s’en approche met sa vie en danger », déclare-t-il sur X (ex-Twitter).
Reconstruction du nord d’Israël
Surmontant leurs divisions, les dirigeants politiques israéliens se montrent intraitables sur la sévérité avec laquelle l’armée doit réagir en cas de nouveaux accrocs. Avigdor Liberman, chef du parti nationaliste laïc Yisrael Beitenu, estime que « c’est seulement quand le gouvernement israélien aura compris qu’on ne négocie pas avec les terroristes qu’il sera capable de restaurer notre dissuasion et la sécurité pour les citoyens de ce pays ». Les autres leaders de l’opposition sont sur une ligne identique.
En attendant, les Israéliens évacués ne sont toujours pas invités à rentrer chez eux. Le gouvernement prend en charge leur hébergement jusqu’à fin décembre. Mardi, il devait se réunir dans la ville de Naharyah, tout près de la frontière libanaise, afin de désigner un comité ministériel chargé de la reconstruction du nord d’Israël.
Une mesure très attendue dans cette région dont les habitants s’estiment lésés et où les élus sont vent debout contre le cessez-le-feu. Ils estiment qu’Israël a raté une opportunité historique de ramener définitivement le calme à la frontière et regrettent qu’une zone tampon ne soit établie côté libanais.
Moins à long terme
C’est le cas à l’est du pays, à la frontière syrienne, calme depuis le début de la guerre. Mais, là aussi, les Israéliens redoutent une nouvelle menace. Ils ont scruté avec attention la fulgurante avancée des forces rebelles à Bachar el-Assad dans le nord de la Syrie. À court terme, le retour de la guerre en Syrie peut assurer un relatif répit à Israël. Mais moins à long terme.
D’une part, selon le journal Haaretz, les militaires israéliens s’inquiètent d’un envoi de troupes iraniennes, ou affidées à l’Iran, en soutien à Bachar el-Assad. D’abord parce que cela pourrait faciliter un soutien en armes et en munitions au Hezbollah. Mais aussi parce que cela pourrait se concrétiser par la présence de forces contrôlées par l’Iran le long du plateau du Golan annexé.
Un autre scénario, dans lequel des milices islamistes sunnites opposées au régime de Bachar el-Assad s’approcheraient de cette région frontalière, est aussi envisagé. Toujours selon Haaretz, les militaires israéliens redoutent que, lors de la prise d’Alep, des usines d’armes chimiques du régime Assad soient tombées aux mains des rebelles.
Placé par PLEINSFEUX