L’Europe à bout de nerfs : cinq façons dont l’UE se prépare à une éventuelle guerre avec la Russie


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Par le personnel de PNW –  le 10 juillet 2025

Alors que la guerre en Ukraine dure depuis trois ans sans fin en vue, la menace d’un conflit plus large avec la Russie n’est plus considérée comme impensable en Europe ; elle devient un moteur des politiques, des dépenses de défense et du discours public. De Berlin à Bruxelles, le continent prend conscience d’une réalité effrayante : la paix n’est plus garantie.

Ce qui était autrefois murmuré dans les cercles politiques est désormais crié à la tribune des Premiers ministres et des chefs militaires. La Première ministre danoise Mette Frederiksen a récemment lancé un avertissement sans équivoque : la Russie pourrait représenter une « menace militaire crédible » pour l’OTAN et l’Union européenne d’ici deux à cinq ans seulement. Ses propos font écho à un nombre croissant de dirigeants et d’analystes de la défense exhortant l’Occident à se préparer à l’éventualité d’une guerre au-delà de l’Ukraine.

Voici cinq moyens majeurs par lesquels l’Europe se prépare à ce qui pourrait devenir la crise de sécurité la plus dangereuse depuis la guerre froide.

1. Le retour de la conscription : préparer une nouvelle génération à la guerre

L’un des signes les plus révélateurs d’un changement de mentalité est la résurgence de la conscription militaire, une politique que beaucoup pensaient abandonnée au XXe siècle. Le Danemark a annoncé début 2024 l’extension de la conscription aux femmes, le Premier ministre Frederiksen soulignant que « l’égalité s’applique également en matière de défense ». Le pays prévoit de presque doubler le nombre de conscrits dans les années à venir, afin de bâtir une force nationale plus forte et plus résiliente.

Parallèlement, l’Allemagne envisage de rétablir le service militaire obligatoire. Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, n’a pas hésité à soulever la question, déclarant sans détour en juin 2024 que l’Allemagne devait devenir « apte au combat ». Si la conscription à grande échelle n’a pas encore été réactivée, les autorités étudient des modèles similaires au service militaire sélectif suédois, qui pourraient contribuer à combler les lacunes d’une force militaire basée sur le volontariat.

En Europe, le débat s’oriente de plus en plus vers la préparation, non seulement des armées, mais de sociétés entières. De nombreux dirigeants se demandent désormais : si le monde change du jour au lendemain, nos citoyens seront-ils prêts ?

2. Hausse des budgets militaires et programmes de réarmement

Les nations européennes connaissent un réarmement rapide et historique. L’Allemagne a promis plus de 100 milliards d’euros de fonds spéciaux de défense, ce qui représente l’investissement militaire le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. La France, la Pologne et les États baltes ont également augmenté leurs budgets militaires, la Pologne consacrant plus de 4 % de son PIB à la défense, bien au-delà des 2 % fixés par l’OTAN.

La production d’armes s’intensifie sur tout le continent. La France a accéléré la fabrication de chars, tandis que la Tchéquie et la Slovaquie modernisent leurs systèmes d’artillerie. L’Agence européenne de défense a coordonné des achats massifs de munitions pour reconstituer les stocks épuisés et se préparer à un conflit prolongé.

Cette course aux armements ne se résume pas à une question de quantité. Les membres de l’OTAN s’orientent vers l’interopérabilité, garantissant ainsi le fonctionnement fluide des chars, des missiles et des systèmes de communication entre les forces alliées. Pour la première fois depuis la Guerre froide, l’Europe privilégie non seulement la dissuasion symbolique, mais aussi la capacité de combat.

3. Renforcer les frontières et les infrastructures

La puissance militaire n’est qu’un aspect du problème. L’UE investit massivement dans ce que l’on appelle la « mobilité militaire », c’est-à-dire la capacité à déplacer rapidement des troupes et du matériel au-delà des frontières nationales. Les réseaux routier et ferroviaire sont évalués et modernisés pour permettre le déploiement rapide des forces, notamment sur le flanc oriental de l’OTAN.

Des pays comme la Finlande, l’Estonie et la Lettonie renforcent leurs défenses frontalières et investissent dans des bunkers souterrains, des installations radar et des systèmes de surveillance par drones. L’OTAN encourage également la création de stocks d’équipements prépositionnés à proximité des points chauds potentiels.

Ces efforts reflètent une dure leçon tirée de la guerre en Ukraine : le temps de réaction est important. Une contre-attaque retardée peut faire la différence entre résistance et occupation.

4. Stockage stratégique de fournitures essentielles

Signe de la gravité de la situation, la Commission européenne a lancé sa toute première stratégie de stockage de biens essentiels. Cette initiative comprend des denrées alimentaires, du carburant, des médicaments et des matières premières essentielles – des biens essentiels non seulement à la résilience civile, mais aussi au maintien des opérations militaires à long terme.

Cette nouvelle directive reconnaît que les guerres, les pandémies et les catastrophes naturelles peuvent survenir sans prévenir. Elle s’inspire des politiques de l’époque de la Guerre froide, mais les actualise pour les adapter au contexte d’interdépendance et de chaînes d’approvisionnement mondiales du XXIe siècle.

De tels préparatifs peuvent paraître extrêmes à certains, mais la Commission soutient que la résilience est désormais une question de sécurité. Dans le monde actuel, une pénurie de carburant ou d’antibiotiques pourrait être tout aussi dévastatrice qu’une cyberattaque.

5. Un changement culturel vers la préparation à la guerre

Le plus alarmant – et le plus révélateur – est peut-être la transformation psychologique qui s’opère dans de nombreuses sociétés européennes. Les ministres de la Défense parlent désormais de « préparation mentale » à la guerre. Dans des pays comme la Lituanie et la Pologne, des associations proposent des formations à la défense civile, notamment sur la manière de réagir aux bombardements, de protéger les infrastructures et de survivre sans services publics.

Le public, pour sa part, commence à assimiler le message. Un récent sondage Eurobaromètre a révélé qu’une majorité d’Européens pensent que la Russie pourrait attaquer un pays de l’OTAN au cours de la prochaine décennie. Les chaînes de télévision nationales diffusent des reportages sur la préparation aux situations d’urgence, et les ventes de kits de survie ont explosé dans des pays comme la Suède et l’Allemagne.

L’objectif primordial n’est plus seulement la dissuasion, mais la survie.

6. L’Europe se réveille, mais est-il trop tard ?

Pendant des décennies, la paix européenne était considérée comme acquise. Le continent s’est enrichi, complaisant et dépendant – de l’énergie russe, de la protection américaine et du fragile espoir que « plus jamais ça » signifiait « plus jamais ça ».

Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie a brisé cette illusion. Aujourd’hui, face aux menaces d’une nouvelle agression, l’UE commence à ériger des murs – à la fois concrets et psychologiques – contre la tempête.

Pourtant, on ne peut s’empêcher de se demander : ce réveil arrive-t-il juste à temps… ou bien trop tard ?

Les sonnettes d’alarme retentissent. Les exercices commencent. Les stocks s’accumulent. L’Europe se prépare – non seulement à l’éventualité, mais à la probabilité d’un conflit. Et ce faisant, elle se confronte à une vérité qu’elle a tenté d’enterrer : la paix a un prix. Elle se défend, souvent au prix de grands sacrifices.

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