FAILLITE DE DÉTROIT


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Préambule :

Ainsi, le joyau de l’industrie automobile américaine et l’un des modèles du American way of life du dernier siècle vient de déclarer faillite. Un symbole qui frappe l’imaginaire d’un peuple qui a longtemps cru que le capitalisme libéral l’émanciperait.

Derrière ce déclin de Détroit, l’un des anciens centres mondiaux du capitalisme industriel, se cache un symptôme plus grand. Tel le premier domino déclenchant le processus, la faillite de Motor City s’avère le signe d’une période transitionnelle de notre système économique. Car l’effondrement de sa fiscalité n’est pas étrangère à celui de la plupart des villes, des institutions publiques et des États. Leur surendettement, comme celui des individus et des compagnies, les mènera tôt ou tard également à la faillite. Détroit est en quelque sorte le signe de ce qui arrivera partout.

En attendant, sous la charge de la haute finance qui veut récupérer l’argent prêté, tous s’adonnent à des cures d’austérité en espérant qu’elles ne se prolongent pas trop et que la croissance revienne. Mais le remède devient le mal. En coupant drastiquement dans les services publics, les inégalités sociales augmentent et la population souffre de plus en plus. Et chaque jour, l’austérité nous rapproche de la révolte populaire. Comment ne pas se révolter, en effet, lorsqu’on est privé de tout et qu’il n’y a aucun espoir de changement à l’horizon ? Bibliothèques, piscines, terrains de jeu, transports, hôpitaux, écoles, parterres de fleurs, éclairage, feux de circulation, police et autres services publics ferment les uns après les autres, réduisant les populations à la misère et les privant progressivement de leur dignité. N’est-ce pas ce qu’on observe déjà en Grèce et ailleurs en Europe du sud ? Lorsque le public n’aura plus rien à vendre ou à fermer, il n’aura plus rien non plus à offrir à ceux qui n’ont pas l’argent pour se sécuriser eux-mêmes. Et l’on retournera tranquillement vers les siècles d’obscurantisme qui ont précédé l’arrivée de la démocratie.

En ces temps d’austérité, on ne peut plus guère, d’ailleurs, parler de démocratie. C’est la haute finance qui oriente et presse le public à rembourser. Un pays ou une municipalité en faillite n’est plus maître de sa destinée non plus, car il ou elle est alors géré(e) par son créancier. Sans la légitimité qu’accorde seul le vote, le créancier s’expose aux révoltes populaires, qui sont sévèrement réprimées par les forces de l’ordre; l’ordre financier de celui qui est dans son droit de reprendre son argent prêté. Le système fonctionne bien.

C’est à la base qu’il est erroné, sur ses prétentions. Il n’est pas sain pour un peuple d’accorder le pouvoir de créer et de prêter de l’argent à quelques individus agissant en leurs noms et pour leur intérêt. Ces grands actionnaires vivent aux dépens des peuples. On peut et doit pointer du doigt l’évasion fiscale, le peu d’appétit qu’ont les riches à partager leurs richesses et le manque de probité qu’affichent la plupart des institutions dans la gestion de leur portefeuille pour expliquer l’effondrement des finances publiques, mais l’ordre financier est premièrement à blâmer.

Est-il normal que la marche de l’histoire, après des siècles de progrès, amène l’humanité à cette extrémité ? À savoir la concentration de la richesse dans les mains d’une poignée d’actionnaires insatiables qui regardent les populations qui les nourrissent s’effondrer. Cela alors qu’on n’a jamais été aussi productifs au travail grâce à la technologie, à l’organisation, aux infrastructures et aux communications. Cette productivité nous a rendus plus riches que jamais, mais cette richesse n’est pas partagée. La preuve en est ces faillites qui pointent à l’horizon.

Certes, si l’humanité a connu d’autres périodes socio-économiques difficiles, celle-ci est la première du genre et a une telle envergure que nous pourrions bien ne jamais être capables de nous en remettre. Dans les siècles précédents, il y avait des difficultés régulières, mais elles étaient souvent localisées et ne touchaient pas vraiment la très grande majorité des habitants, qui travaillaient encore leur terre et vivaient d’une économie de subsistance agricole. Or, aujourd’hui, alors que le capitalisme achève d’amener tout le monde en ville, si le nouveau modèle industriel s’effondre, les humains seront pratiquement tous touchés et n’auront plus la terre pour subvenir à leurs besoins. Comment les gens urbains de plus en plus désœuvrés vivront-ils ? Les taux de chômage ont littéralement explosé depuis cinq ans dans plusieurs parties du globe. La révolte gronde déjà en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Irlande, en Turquie, en Iran, dans le monde arabe, au Brésil, en Russie, etc. Les manifestations se font de plus en plus nombreuses, régulières, radicales et violentes. Leur répression par la police et l’armée est dure et sévère. Imaginons comment la gestion des crises sociales sera effectuée lorsque lesdites armée et police auront été vendues et seront devenues des compagnies privées ? L’organisation sociétale ressemblera-t-elle alors de nouveau à celle de l’Ancien Régime où les rois et seigneurs avaient droit de vie ou de mort sur leurs terres ? L’évolution du processus financier depuis une trentaine d’années – et depuis cinq ans de façon plus exacerbée – peut effectivement nous permettre l’analogie entre les actionnaires et banquiers de la haute finance et ces rois et seigneurs de jadis. La démocratie et l’État de droit se meurent devant la légalité des banques à opérer.

Félix Lafrance

FAILLITE DE DÉTROIT

La ville de Détroit, autrefois toute puissante, devient la plus grande faillite municipale des États-Unis.
Par Paul Scicchitano – Le 18 juillet 2013

La ville du Motown et des légendes des automobiles américaines a demandé la protection contre la faillite par un tribunal fédéral, jeudi, alors que le gouverneur républicain du Michigan a insisté que c’était le seul tonique pour un « déclin de 60 ans ».
La dette de la ville de Détroit avoisine les 18 milliards de dollars.

Le gouverneur du Michigan, Rick Snyder, qui a été irrité par les syndicats en signant la Loi du Droit au Travail, l’année dernière, a dit qu’il autorisait la faillite après avoir reçu une recommandation de le faire de Kevyn Orr, le gestionnaire d’urgence de la ville, plus tôt cette semaine, et après une rencontre avec lui, mercredi.

« Ce fut une décision difficile, mais, c’est clairement la bonne décision à mon avis, parce qu’il n’y avait pas d’autres alternatives viables », a déclaré Snyder aux journalistes après le dépôt de la demande, jeudi.  « Si vous regardez Detroit et si vous considérez la situation, nous avons une grande ville, mais, une ville qui a été à la baisse pendant les 60 dernières années ».

La Motor City est la plus grande ville américaine à demander la protection contre la faillite en vertu du chapitre 9, dépassant Stockton, en Californie, qui a déposé sa demande en 2012.

Le Détroit Free Press titrait dans son édition en ligne comme suit : « La ville de Détroit fait sa demande de protection contre la faillite selon le chapitre 9 au milieu de dettes énormes ».

Et Detroit News décrit le dépôt de 16 pages comme l’aboutissement d’une « longue descente de plusieurs décennies qui a transformé l’emblématique ville industrielle de la nation en un modèle de déclin urbain paralysé par la perte de sa population, l’asphyxie de son assiette fiscale et des problèmes financiers ».

Snyder a déclaré que la ville devait payer 38 cents de chaque dollar dépensé pour couvrir ce qu’il a décrit comme des « coûts légaux », et il était prévu que ce chiffre augmenter jusqu’à 65 cents en 2017.

« Ce sera un travail bien difficile au cours de la prochaine année », a déclaré Snyder. « Assez, c’est assez, au sujet de la spirale descendante de Détroit ».

Le gouverneur a ajouté : « Sans cette action, Détroit ne ferait que continuer à descendre ». Peut-être même pire que la dette à laquelle la ville doit faire face, dit-il, c’est la piètre performance de la ville à fournir les services de base.

Par exemple, il faut à la police en moyenne 58 minutes pour répondre à un appel à Détroit, alors qu’il faut une moyenne de seulement 11 minutes dans le reste du pays.

De même, environ 40 pour cent des lampadaires de la ville ne fonctionnent pas et la police s’occupe de moins de 9 pour cent des crimes signalés dans la ville par opposition à plus de 30 pour cent dans le Michigan dans son ensemble.

« Fondamentalement, au lieu d’avoir des promesses qui ne peuvent être tenues, les créanciers peuvent savoir ce qui est un montant raisonnable et un montant qu’ils seront payés », a expliqué le gouverneur.  « Donc, nous allons aller de l’avant avec ce processus et je le regarde vraiment comme une opportunité pour un nouveau départ ».

General Motors, qui a déposé et a émergé de la faillite selon le chapitre 11, ne prévoit aucune incidence sur ses activités quotidiennes, a annoncé le constructeur automobile, jeudi, dans un communiqué.

« General Motors est fier d’appeler Détroit son foyer et la déclaration de faillite d’aujourd’hui est un jour que nous, et bien d’autres, espérions ne pas voir », a indiqué le communiqué.  « Nous croyons, cependant, qu’aujourd’hui peut aussi être une marque claire d’un nouveau départ pour la ville ».

Avant Détroit, le plus grand dépôt de bilan municipal avait impliqué le Comté de Jefferson, en Alabama, qui était de plus de 4 milliards de dollars en dettes quand la demande a été déposée en 2011.  Une autre ville qui a récemment déclaré faillite était San Bernardino, en Californie, qui a pris cette voie en août 2012, après avoir appris qu’elle avait un déficit de $46 millions de dollars.

Détroit a plus du double de la population de la communauté du nord de la Californie de Stockton, qui avait été la plus grande ville américaine à avoir déposé son bilan lorsqu’elle a demandé la protection contre la faillite en juin 2012.

New York était proche de la faillite en 1975, selon le New York Times, qui a rapporté que les avocats de la ville étaient devant la Cour Suprême de l’État pour déposer la demande de protection, et que les voitures de police avaient déjà été mobilisées pour servir les documents sur les banques.

Détroit a perdu un quart de million de résidents entre 2000 et 2010, une population qui atteignait 1,8 millions de personnes dans les années 1950, et qui se bat maintenant pour rester au-dessus de 700,000 personnes.

Une grande partie de la classe moyenne et des dizaines d’entreprises ont également fui Détroit, en emportant leurs deniers avec eux.

Depuis la fin des années 1960, les constructeurs automobiles ont commencé à ouvrir des usines dans d’autres villes.  La valeur des propriétés et les recettes fiscales ont chuté, et la police ne pouvait plus contrôler la criminalité.  Ensuite, la montée des voitures importées en provenance du Japon a commencé à réduire la taille de l’industrie automobile américaine.

Ces derniers mois, la ville comptait sur l’argent des obligations soutenues par l’état pour rencontrer la paie de ses 10,000 employés.

Snyder a souligné que les résidents de Détroit ne remarqueraient rien de différent à court terme.

« Beaucoup de gens peuvent dire que c’est le point le plus bas de l’histoire de Détroit, mais, sans cette action, Détroit continuerait seulement à descendre », a-t-il affirmé. « C’est pour nous l’occasion de poursuivre la remontée du Michigan et de nous assurer que Détroit revienne sur le bon chemin également ».

http://www.moneynews.com/Newsfront/Detroit-Bankruptcy-US-city/2013/07/18/id/515861?s=al&promo_code=143B0-1

Traduit par PLEINSFEUX.ORG


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