HYBRIDES HUMAIN-PORC


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Les scientifiques espèrent que les embryons de chimères représentent les étapes clés vers des organes vitaux en laboratoire.

Par Erin Blakemore – Le 26 janvier 2017

Dans un exploit remarquable, sinon controversé, les scientifiques ont annoncé aujourd’hui qu’ils ont créé les premiers hybrides humains-animaux avec succès. Le projet prouve que les cellules humaines peuvent être introduites dans un organisme non-humain, survivre et même croître à l’intérieur d’un animal hôte, dans ce cas, des porcs.

Cette avancée biomédicale a longtemps été un rêve et un dilemme pour les scientifiques espérant faire face à une pénurie critique de donneurs d’organes.

Toutes les dix minutes, une personne est ajoutée à la liste d’attente nationale pour des greffes d’organes.  Et, chaque jour, 22 personnes sur cette liste meurent sans les organes dont elles avaient besoin.  Et si, au lieu de compter sur un généreux donateur, vous pouviez créer un organe personnalisé à l’intérieur d’un animal ?

C’est maintenant un pas de plus vers la réalité, a rapporté une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’Institut Salk dans la revue Cell. L’équipe a créé ce qui est connu scientifiquement comme une chimère : Un organisme qui contient des cellules de deux espèces différentes.

Par le passé, les chimères homme-animal étaient hors de portée.  De telles expériences sont actuellement inadmissibles au financement public aux États-Unis (jusqu’à présent, l’équipe de Salk s’est appuyée sur des donateurs privés pour le projet chimère).  L’opinion publique a également entravé la création d’organismes qui sont en partie humaines et en partie animales.

Mais, pour l’auteur principal de l’étude, Jun Wu, de l’Institut Salk, il suffit de regarder les chimères mythiques, comme les hybrides humains-oiseaux que nous connaissons comme des anges, en vue d’une perspective différente.

« Dans les civilisations anciennes, les chimères étaient associées à Dieu », dit-il, et nos ancêtres pensaient que « la forme chimérique peut protéger les humains ».  En un sens, c’est ce que l’équipe espère faire un jour.

Construire une chimère

Il y a deux façons de faire une chimère.  La première est d’introduire les organes d’un animal dans un autre, une proposition risquée, parce que le système immunitaire de l’hôte pourrait faire rejeter l’organe.

L’autre méthode consiste à commencer au niveau embryonnaire, en introduisant les cellules d’un animal dans l’embryon d’un autre et en les laissant croître ensemble pour donner un hybride.

Cela semble étrange, mais, c’est une façon ingénieuse de résoudre un certain nombre de problèmes biologiques complexes avec des organes cultivés en laboratoire.

Lorsque les scientifiques ont découvert les cellules souches, les cellules mères capables de produire n’importe quel type de tissu corporel, elles semblaient contenir des promesses scientifiques infinies.  Mais, convaincre ces cellules de se développer dans les bons types de tissus et d’organes est difficile.

Les cellules doivent survivre dans des boîtes de Pétri.  Les scientifiques doivent utiliser des échafaudages pour s’assurer que les organes se développent dans les bonnes formes.  Et souvent, les patients doivent subir des procédures douloureuses et invasives pour récolter les tissus nécessaires pour lancer le processus.

Au début, Juan Carlos Izpisua Belmonte, professeur au Laboratoire d’Expression des Gènes de l’Institut Salk, pensait que le concept d’utiliser un embryon hôte pour cultiver des organes semblait assez simple.  Cependant, il a fallu quatre ans à Belmonte et à plus de 40 collaborateurs pour trouver comment fabriquer une chimère homme-animal.

Pour ce faire, l’équipe s’est appuyée sur des recherches antérieures sur les chimères menées sur des souris et des rats.

D’autres scientifiques avaient déjà compris comment faire pousser les tissus pancréatiques d’un rat à l’intérieur d’une souris.  Mercredi, cette équipe a annoncé que des pancréas de souris cultivés à l’intérieur de rats avaient traité avec succès le diabète lorsque des parties des organes sains ont été transplantées chez des souris malades.

Le groupe mené par l’Institut Salk a poussé le concept un peu plus loin en utilisant les outils d’éditions du génome appelé CRISPR pour pirater les blastocystes des souris, les précurseurs des embryons.  Là, ils ont supprimé les gènes dont les souris ont besoin pour cultiver certains organes.  Quand ils ont introduit des cellules souches de rat capables de produire ces organes, ces cellules ont prospéré.

Les souris qui en ont résulté ont réussi à vivre jusqu’à l’âge adulte.  Certaines ont même développé des vésicules biliaires chimériques constituées de cellules de souris et de rats, même si les rats n’ont pas cet organe particulier.

Risques de rejet

L’équipe a ensuite prélevé des cellules souches de rats et les a injectées dans des blastocystes de porcs.  Cette version a échoué, ce qui n’est pas surprenant puisque les rats et les cochons ont des temps de gestation et des ancêtres évolutifs considérablement différents.

Mais, les porcs ont une similarité notable avec les humains.  Bien qu’ils prennent moins de temps pour leur gestation, leurs organes ressemblent beaucoup aux nôtres.

Ce n’est pas que ces similitudes rendent la tâche plus facile.  L’équipe a découvert que, pour introduire des cellules humaines dans les porcs sans les tuer, ils devaient avoir le bon timing.

« Nous avons testé trois types différents de cellules humaines représentant essentiellement trois périodes différentes dans le processus de développement, » explique Jun Wu, un scientifique de l’Institut Salk et premier auteur du journal.  Par essais et erreurs, ils ont appris que les cellules naïves pluripotentes, des cellules souches à potentiel illimité, ne survivaient pas aussi bien que celles qui s’étaient développées un peu plus.

Lorsque ces cellules humaines ont été injectées juste-à-temps dans les embryons de porc, les embryons ont survécu.  Ensuite, ils ont été mis dans des porcs adultes, qui portaient les embryons entre trois et quatre semaines avant d’être enlevés et analysés.

En tout, l’équipe a créé 186 embryons chimériques plus tardifs qui ont survécu, dit Jun Wu, et « nous estimons que chacun avait environ une cellule sur 100.000 cellules humaines ».

Selon Ke Cheng, un expert en cellules souches à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et à l’Université d’État de Caroline du Nord, cela pourrait poser un problème pour la méthode à long terme.

Le tissu humain semble ralentir la croissance de l’embryon, note Ke Cheng, et les organes issus de tels embryons, tels qu’ils se développent maintenant, seraient probablement rejetés par les humains, puisqu’ils contiendraient trop de tissus de porc.

La prochaine grande étape, dit Ke Cheng, est de déterminer s’il est possible d’augmenter le nombre de cellules humaines que les embryons peuvent tolérer. La méthode actuelle est un début, mais on ne sait toujours pas si cet obstacle peut être surmonté.

Belmonte est d’accord, en notant que çà pourrait prendre des années pour utiliser le processus afin de créer des organes humains fonctionnels.  La technique pourrait être utilisée beaucoup plus tôt comme moyen d’étudier le développement de l’embryon humain et de comprendre les maladies.  Et, ces idées en temps réel pourraient être aussi précieuses que la capacité de faire pousser un organe.

Même à ce stade précoce, Ke Cheng appelle ce travail une percée : « Il y a d’autres étapes à prendre, » concède-t-il.  « Mais, c’est intrigant.  C’est très intrigant. »

Source : NEWS NATIONAL GEOGRAPHIC 

Traduit par PLEINSFEUX.ORG

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